La transposition d’un texte dans une autre langue-culture appelle des procédés de traduction qui touchent parfois la limite de l’intraduisible, car elle fait entrer en jeu des facteurs socioculturels et subjectifs aussi bien que linguistiques. Les structures linguistiques dépendent considérablement des faits sociaux, culturels et psychologiques de l’auteur-locuteur. Notamment, la culture populaire française s’exprime dans la langue française par un lexique, des registres, un style donné qui ne sont pas les mêmes dans la langue-culture italienne. Dans les textes de ses chansons, Georges Brassens exploite largement l’argot et, moins souvent, le patois. L’argot est un « descripteur » social, c’est-à-dire qu’il signale la diversité sociale du locuteur (variation diastratique) et la diversité stylistique ou situationnelle (variation diaphasique). L’argot est employé par Brassens pour exprimer le langage quotidien parlé, pour rendre l’oralité et signifier la déviation de la norme. Il a une fonction esthétique de caractère réaliste et humoristique, car il accorde à l’auteur-compositeur-interprète l’emploi d’un langage plus chargé de réalité et de vie. La réflexion sur les dimensions diastratique et diaphasique de la variation connaît plusieurs autres termes, comme « registre » et « niveau de langue ». Leur traduction pose plusieurs problèmes au traducteur, étant donné qu'elles sont déterminées par les caractéristiques du locuteur (l’usager) d’une part, et la situation d’énonciation (l’usage), de l’autre. Il est ainsi possible d’identifier les choix de l’écrivain Brassens qui produit les textes de ses chansons, ancré dans la vie quotidienne, situé dans un milieu social homogène, et enraciné dans une zone géographique précise : la France des années ’50 à ’70, en particulier Sète, sa ville de naissance, et Paris où il sera consacré comme artiste. Or, ces trois catégories de connotation – situationnelle, socioculturelle et géographique – sont parfois difficiles à isoler. Le traducteur se trouve ainsi face à une langue (dans toutes ses composantes: prononciation, lexique et morphosyntaxe) qui présente des connotations sociales propre à sa culture d’appartenance. Comment restituer le même effet du texte original tout en ayant à faire avec ces facteurs métalinguistiques intraduisibles ? Comment le traducteur doit-il se porter devant ces obstacles ? En explorant les traits stylistiques qui déterminent le registre dans les chansons de Georges Brassens, nous tenterons d’examiner dans quelle mesure le traducteur Fabrizio De André parvient à restituer les marques d’oralité et l’atmosphère populaire des textes originaux de Brassens. Dans notre analyse nous ferons référence en particulier à quatre des six chansons de Brassens que De André a traduites : “Il Gorilla” (Le Gorille), “Morire per delle idee” (Mourir pour des idées), “Marcia nuziale” (Marche nuptiale), “Delitto di paese” (L’Assassinat). Nous ne tiendrons pas compte des contraintes techniques du rythme qui sont encore plus fortes dans la traduction des chansons, des textes nés pour être chantés.
V. Zotti (2009). La variation diaphasique et diastratique dans les chansons de Brassens traduites par De André. FASANO : Schena Editore.
La variation diaphasique et diastratique dans les chansons de Brassens traduites par De André
ZOTTI, VALERIA
2009
Abstract
La transposition d’un texte dans une autre langue-culture appelle des procédés de traduction qui touchent parfois la limite de l’intraduisible, car elle fait entrer en jeu des facteurs socioculturels et subjectifs aussi bien que linguistiques. Les structures linguistiques dépendent considérablement des faits sociaux, culturels et psychologiques de l’auteur-locuteur. Notamment, la culture populaire française s’exprime dans la langue française par un lexique, des registres, un style donné qui ne sont pas les mêmes dans la langue-culture italienne. Dans les textes de ses chansons, Georges Brassens exploite largement l’argot et, moins souvent, le patois. L’argot est un « descripteur » social, c’est-à-dire qu’il signale la diversité sociale du locuteur (variation diastratique) et la diversité stylistique ou situationnelle (variation diaphasique). L’argot est employé par Brassens pour exprimer le langage quotidien parlé, pour rendre l’oralité et signifier la déviation de la norme. Il a une fonction esthétique de caractère réaliste et humoristique, car il accorde à l’auteur-compositeur-interprète l’emploi d’un langage plus chargé de réalité et de vie. La réflexion sur les dimensions diastratique et diaphasique de la variation connaît plusieurs autres termes, comme « registre » et « niveau de langue ». Leur traduction pose plusieurs problèmes au traducteur, étant donné qu'elles sont déterminées par les caractéristiques du locuteur (l’usager) d’une part, et la situation d’énonciation (l’usage), de l’autre. Il est ainsi possible d’identifier les choix de l’écrivain Brassens qui produit les textes de ses chansons, ancré dans la vie quotidienne, situé dans un milieu social homogène, et enraciné dans une zone géographique précise : la France des années ’50 à ’70, en particulier Sète, sa ville de naissance, et Paris où il sera consacré comme artiste. Or, ces trois catégories de connotation – situationnelle, socioculturelle et géographique – sont parfois difficiles à isoler. Le traducteur se trouve ainsi face à une langue (dans toutes ses composantes: prononciation, lexique et morphosyntaxe) qui présente des connotations sociales propre à sa culture d’appartenance. Comment restituer le même effet du texte original tout en ayant à faire avec ces facteurs métalinguistiques intraduisibles ? Comment le traducteur doit-il se porter devant ces obstacles ? En explorant les traits stylistiques qui déterminent le registre dans les chansons de Georges Brassens, nous tenterons d’examiner dans quelle mesure le traducteur Fabrizio De André parvient à restituer les marques d’oralité et l’atmosphère populaire des textes originaux de Brassens. Dans notre analyse nous ferons référence en particulier à quatre des six chansons de Brassens que De André a traduites : “Il Gorilla” (Le Gorille), “Morire per delle idee” (Mourir pour des idées), “Marcia nuziale” (Marche nuptiale), “Delitto di paese” (L’Assassinat). Nous ne tiendrons pas compte des contraintes techniques du rythme qui sont encore plus fortes dans la traduction des chansons, des textes nés pour être chantés.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.