Boris Vian est universellement réputé comme un des auteurs français dont l’écriture est le plus riche en prouesses lexicales et en jeux de mots : Jacques Bens a parlé, à ce propos, d’un véritable « langage-univers ». Ses romans ont été traduits en de nombreuses langues et ont joui – ils jouissent encore – d’un succès considérable. Si la production romanesque de cet écrivain est connue dans le monde entier, le Vian dramaturge joue par contre, en traduction du moins, un rôle marginal. Et si, parmi les pièces de cet auteur, il en existe quelques-unes qui ont atteint une certaine renommée internationale, une bonne partie de son œuvre théâtrale n’a guère suscité l’intérêt des traducteurs étrangers. Ce manque d’intérêt apparent ne dépend pas, toutefois, seulement de la marginalité relative des textes de théâtre de Vian à l’intérieur de sa production. Les défis que certaines de ses pièces imposent au traducteur sont, à eux seuls, une raison suffisante pour décourager la plupart des spécialistes. Aux difficultés de la traduction théâtrale s’ajoutent, tour à tour, des obstacles ultérieurs, tels que la transposition des chansons, des jeux de mots, de l’intertextualité. Dans mon article je vais m’occuper d’un texte qui, plus que tout autre, présente une multiplicité de contraintes auxquelles le traducteur doit faire face : la pièce Série Blême, écrite par Vian entre 1952 et 1954. La définition que son auteur en donne, « tragédie en trois actes et en vers », ne rend pas compte de sa spécificité : l’utilisation de l’alexandrin, de la rime et, surtout, de l’argot ont posé un écueil jusqu’à présent insurmontable à toute tentative de traduction. Le point central de cet article – qui traitera, de façon assez rapide, des enjeux théoriques de la question aussi – consiste dans l’explication des stratégies utilisées pour la traduction-recréation en italien de ce texte vianien. Les problèmes que cette opération met en place sont nombreux. Ils dépendent : - de la forme métrique du texte (reproduction de l’alexandrin ? adaptation au soi-disant « mètre correspondant » en Italie, l’endécasyllabe ? Traduction en prose ? Cette troisième stratégie semble peu adaptée, étant donnée la période d’écriture de la pièce : l’utilisation du vers constitue une violation évidente aux normes théâtrales de l’époque, et par cela une caractéristique primordiale du texte) ; - du langage utilisé. Les problèmes que l’argot pose à une traduction italienne sont liés surtout à la sociolinguistique comparée : aucun correspondant fonctionnel de l’argot est compréhensible dans toute la péninsule, son rôle étant joué en Italie surtout par des jargons qui tirent la plupart de leur lexique des dialectes ; - de l’essence théâtrale du texte. Comme il a été souligné par plusieurs théoriciens, le théâtre présuppose une approche à la traduction différente par rapport à une sorte de « degré zéro » de la traduction littéraire, des questions telles que la « jouabilité » ou l’impossibilité de recourir à des compensations paratextuelles (dont le spectateur, au contraire du lecteur, ne pourraît pas se servir) faisant forcément surface. La présentation des différents problèmes de traduction s’appuiera sur plusieurs exemples pratiques illustrant les différentes caractéristiques du texte et les possibilités que celui-ci offre à la traduction.

La traduction d'un argot: "Série Blême" et "Mille modi per crepare in montagna" (Boris Vian)

REGATTIN, FABIO
2014

Abstract

Boris Vian est universellement réputé comme un des auteurs français dont l’écriture est le plus riche en prouesses lexicales et en jeux de mots : Jacques Bens a parlé, à ce propos, d’un véritable « langage-univers ». Ses romans ont été traduits en de nombreuses langues et ont joui – ils jouissent encore – d’un succès considérable. Si la production romanesque de cet écrivain est connue dans le monde entier, le Vian dramaturge joue par contre, en traduction du moins, un rôle marginal. Et si, parmi les pièces de cet auteur, il en existe quelques-unes qui ont atteint une certaine renommée internationale, une bonne partie de son œuvre théâtrale n’a guère suscité l’intérêt des traducteurs étrangers. Ce manque d’intérêt apparent ne dépend pas, toutefois, seulement de la marginalité relative des textes de théâtre de Vian à l’intérieur de sa production. Les défis que certaines de ses pièces imposent au traducteur sont, à eux seuls, une raison suffisante pour décourager la plupart des spécialistes. Aux difficultés de la traduction théâtrale s’ajoutent, tour à tour, des obstacles ultérieurs, tels que la transposition des chansons, des jeux de mots, de l’intertextualité. Dans mon article je vais m’occuper d’un texte qui, plus que tout autre, présente une multiplicité de contraintes auxquelles le traducteur doit faire face : la pièce Série Blême, écrite par Vian entre 1952 et 1954. La définition que son auteur en donne, « tragédie en trois actes et en vers », ne rend pas compte de sa spécificité : l’utilisation de l’alexandrin, de la rime et, surtout, de l’argot ont posé un écueil jusqu’à présent insurmontable à toute tentative de traduction. Le point central de cet article – qui traitera, de façon assez rapide, des enjeux théoriques de la question aussi – consiste dans l’explication des stratégies utilisées pour la traduction-recréation en italien de ce texte vianien. Les problèmes que cette opération met en place sont nombreux. Ils dépendent : - de la forme métrique du texte (reproduction de l’alexandrin ? adaptation au soi-disant « mètre correspondant » en Italie, l’endécasyllabe ? Traduction en prose ? Cette troisième stratégie semble peu adaptée, étant donnée la période d’écriture de la pièce : l’utilisation du vers constitue une violation évidente aux normes théâtrales de l’époque, et par cela une caractéristique primordiale du texte) ; - du langage utilisé. Les problèmes que l’argot pose à une traduction italienne sont liés surtout à la sociolinguistique comparée : aucun correspondant fonctionnel de l’argot est compréhensible dans toute la péninsule, son rôle étant joué en Italie surtout par des jargons qui tirent la plupart de leur lexique des dialectes ; - de l’essence théâtrale du texte. Comme il a été souligné par plusieurs théoriciens, le théâtre présuppose une approche à la traduction différente par rapport à une sorte de « degré zéro » de la traduction littéraire, des questions telles que la « jouabilité » ou l’impossibilité de recourir à des compensations paratextuelles (dont le spectateur, au contraire du lecteur, ne pourraît pas se servir) faisant forcément surface. La présentation des différents problèmes de traduction s’appuiera sur plusieurs exemples pratiques illustrant les différentes caractéristiques du texte et les possibilités que celui-ci offre à la traduction.
2014
Regattin, Fabio
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