Norme d’internalité ou norme d’effort? La révisitation d’une recherche sur l’influence de la norme d’internalité dans le contexte scolaire

A partir de la définition de norme d’internalité (Beauvois & Dubois, 1988), les chercheurs ont montré que les enfants et les adultes utilisent davantage de réponses causales internes pour se valoriser et, en particuliers, que les pratiques sociales d’évaluation sont sensibles aux explications internes émises par les agents sociaux. L’étude de Dubois et Le Poultier (1991) constitue, jusqu’à aujourd’hui, une pierre milliaire de la recherche concernant l’intervention de la norme d’internalité dans les conduites d’évaluation des enseignants. En revanche, des recherches portant sur l’attribution causale de l’échec plaident en faveur d’une valorisation sociale de l’effort, en particulier dans le contexte scolaire (Weiner, 2003; Matteucci & Gosling, 2004). Ce travail vise à relier les deux courants de recherche par la répétition du plan expérimental conçu par Dubois et Le Poultier (1991), mais perfectionné en considérant le rôle normatif des explications causales qui évoque l’effort de l’élève. Plus précisément, sur la base de la recherche de Dubois et Le Poultier (1991), nous avons réalisé une nouvelle étude portant sur l’intervention de la norme d’internalité et de la norme d’effort sur les jugements évaluatifs émis à propos d’élèves en situation d’échec scolaire. L’hypothèse à l’épreuve dans cette situation se base sur celle qui fondait la recherche menée par les auteurs français, et évoquée plus haut, mais est également considérée l’influence d’un jugement préalable sur l’élève qui évoque l’effort de ce dernier. Le but est de vérifier si, face à une norme sociale générale (internalité), l’effort constitue une norme spécifique du contexte scolaire. Il est supposé que, à résultats scolaires égaux, un élève qui présente une majorité d’explications internes des événements et un jugement préalable de diligence à l’étude (effort) sera objet d’un avis plus favorable par apport à un élève qui ne fait aucun effort et/ou qui présente une majorité d’explications externes. Etude préparatoire. 101 étudiants de la Faculté de Psychologie (3ème et 4ème années) ont participé à cette recherche, présentée comme une étude s’intéressant aux jugements évaluatifs. Chaque participant recevait un document rédigé par les auteurs de façon comparable à ceux qui étaient utilisés par Dubois et Le Poultier (1991). Le document était composé de deux dossiers d’élèves contenant des informations sur le niveau scolaire de l’élève (faible), la catégorie socioprofessionnelle des parents (moyenne), l’avis final émis par les enseignants sur son dernier bulletin (évoquant « pas d’effort mais suffisante capacité » vs. « pas de capacité mais suffisant effort ») et les réponses fournies par l’élève à un questionnaire d’internalité (majoritairement internes vs. majoritairement externes). Les deux dernières variables ont été manipulées. Après examen d’un dossier d’élève, les sujets répondaient à deux questions concernant leur jugement sur l’élève et leurs avis sur le rendement futur de l’élève (sur échelles graduées en 7 points, de « pas du tout positif» à « très positif»). Les principaux résultats montrent que, en ce qui concerne le jugement général sur le sujet, les dossiers auxquels était joint le questionnaire à orientation interne ont suscité un jugement plus favorable que ceux auxquels était joint le questionnaire à orientation externe ; la variable « effort » n’a eu aucun effet significatif. Par contre, l’analyse de la variance à mesure répétée (GLM) réalisée avec la variable « avis sur le rendement futur» a révèlé un effet significatif, aussi bien en ce qui concerne les effets principaux, qu’ en ce qui concerne l’interaction des variables. L’internalité de réponses au questionnaire induit un jugement plus favorable que l’externalité, mais la variable « effort » donne lieu à des réponses plus positives à la fois lorsque les réponses au questionnaires étaient majoritairement interne que majoritairement externe.