Parce que toute trace sur l’eau semble être immédiatement dissoute par les courants, les mers ont été maintenues dans une sorte de présent permanent qui résiste à toute écriture de l’histoire. L’étendue de liquide infini a également représenté un défi pour la gouvernance : l’impossibilité de dresser des frontières stables dans des eaux en constant mouvement a conduit à considérer les mers comme un espace de liberté absolue – les « mers libres ». Dans cet article, nous démontrons qu’au contraire, les mers sont de plus en plus documentées et divisées, et ceci de manière inextricable. Un appareil de détection complexe est fondamental pour une forme de gouvernance qui associe la division des espaces maritimes et le contrôle du mouvement et qui instrumentalise le chevauchement partiel et la nature élastique des juridictions maritimes et du droit international. C’est dans ces conditions que les régimes de migration imposés par l’UE fonctionnent, en étendant sélectivement les droits souverains des États par des patrouilles en haute mer, tout en leur permettant de se rétracter de leurs responsabilités, comme dans les nombreux cas de non-assistance aux migrants en mer. À travers les politiques et les conditions de la gouvernance maritime de l’UE, la mer se transforme en un liquide mortel – la cause directe de plus de 14 000 décès documentés au cours des quinze dernières années. Cependant, en utilisant les mêmes appareils de télédétection que ceux déployés en Méditerranée et en spatialisant les violations des droits des migrants en mer, il est possible de ré-inscrire la notion de responsabilité dans une mer d’impunité.
Heller, C., Pezzani, L. (2014). Traces liquides : enquête sur la mort de migrants dans la zone-frontière maritime de l’Union européenne. REVUE EUROPÉENNE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES, 30(3-4), 71-107 [10.4000/remi.7106].
Traces liquides : enquête sur la mort de migrants dans la zone-frontière maritime de l’Union européenne
Pezzani, Lorenzo
2014
Abstract
Parce que toute trace sur l’eau semble être immédiatement dissoute par les courants, les mers ont été maintenues dans une sorte de présent permanent qui résiste à toute écriture de l’histoire. L’étendue de liquide infini a également représenté un défi pour la gouvernance : l’impossibilité de dresser des frontières stables dans des eaux en constant mouvement a conduit à considérer les mers comme un espace de liberté absolue – les « mers libres ». Dans cet article, nous démontrons qu’au contraire, les mers sont de plus en plus documentées et divisées, et ceci de manière inextricable. Un appareil de détection complexe est fondamental pour une forme de gouvernance qui associe la division des espaces maritimes et le contrôle du mouvement et qui instrumentalise le chevauchement partiel et la nature élastique des juridictions maritimes et du droit international. C’est dans ces conditions que les régimes de migration imposés par l’UE fonctionnent, en étendant sélectivement les droits souverains des États par des patrouilles en haute mer, tout en leur permettant de se rétracter de leurs responsabilités, comme dans les nombreux cas de non-assistance aux migrants en mer. À travers les politiques et les conditions de la gouvernance maritime de l’UE, la mer se transforme en un liquide mortel – la cause directe de plus de 14 000 décès documentés au cours des quinze dernières années. Cependant, en utilisant les mêmes appareils de télédétection que ceux déployés en Méditerranée et en spatialisant les violations des droits des migrants en mer, il est possible de ré-inscrire la notion de responsabilité dans une mer d’impunité.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.