Les livrets de Théophile Gautier (1811-1872) ont été pensés pour les exigences de la scène et ils sont un exemple dense et intéressant du niveau auquel les limites entre théorie et pratique, entre corps et parole, sont perméables et indéfinis. Dans la première moitié du XIXème siècle le texte du livret pour le ballet est bâti en imaginant sa réalisation sur scène, certainement non sa solitaire lecture dans un fauteuil, et beaucoup de choix qui concernent reconstitutions, actions et personnages sont guidées non seulement par choix artistique-littéraires, mais par la nécessité aussi de cogiter des solutions techniques et professionnelles, c'est à dire attentives à un plausible enchaînement des évènements et à la faisabilité de chaque action dansante, adéquates aux espaces et aux scénographies mises à disposition par le commanditaire, respectueuses à l'égard des demandes et des capacités des futurs interprètes. Avant tout le livret, en XIXème siècle premier noyau du ballet, reste un outil de travail pour ceux qui contribuent à la création du spectacle, puisqu'il est constitué par un ouvrage narratif qui accueillit et intègre à la fabula une vaste série d'annotations strictement techniques et de manœuvre, capables non seulement d'évoquer et de suggérer des thèmes et des atmosphères, mais d'indiquer aussi des modalités de réalisation, en imprimant une nette connotation au spectacle. Le livret se situe donc dans la zone qui naît de l'intersection entre texte narratif, texte dramatique et texte technique: il s'agit d'un hybride qui mélange descriptions, dialogues et indications pratiques. Il peut être défini comme “un avant-texte qui sert de fil conducteur à l’organisation du futur ballet”1, une vision structurée de ce qui sera le spectacle, un spectacle imaginé qui existe dans la tête de l'écrivain-voyant seulement. Il s'agit donc, pour l'écrivain, d'imaginer une danse qui n'est pas encore là sans oublier une certaine idée de corps en mouvement, de cultiver un songe, d'en être conscient et de le rendre visible grâce aux mots. Le livret correspond donc à un ensemble d'images qui s'accumulent dans la tête de celui qui écrit et, après, de celui qui lit, à un présage de spectacle qui trouve sa tangibilité sur scène, en s'incarnant dans des corps bâtis et redressés selon les règles et l'esthétique de la technique académique. Gautier, en tant que vrai homme de théâtre, rédige des livrets qui prévoient des histoires et des personnages faits pour le ballet, en arrivant, par l'écriture, à structurer la réalisation scénique, à en définir quelques indispensables caractères. Il bâtit l'histoire à partir des exigences et des conventions de la scène, il cherche des expeéients à fin d'y insérer des moments de danse, il donne de précises indications à propos des scènes et des costumes, de la musique et des sons, des actions, de la pantomime et de la danse. S'il est vrai qu'il utilise la terminologie technique de la danse d'une façon approximative et avec pas tellement de pertinence, je crois de pouvoir affirmer avec raison qu'il montre un bon savoir de la scène, une compétente connaissance des exigences du ballet et des danseurs, une conscience particulière des modalités avec lesquelles le group et chacun prend de la place en mouvement ou statyquement, une poétique capacité de donner de la couleur à l'action et à la danse par des notes qui indiquent avec sensibilité et précision sa qualité et son ton.

E. Cervellati (2007). From the written word to the dancing body. Libretto and performance practice in Théophile Gautier. s.l : Society of Dance History Scholars.

From the written word to the dancing body. Libretto and performance practice in Théophile Gautier

CERVELLATI, ELENA
2007

Abstract

Les livrets de Théophile Gautier (1811-1872) ont été pensés pour les exigences de la scène et ils sont un exemple dense et intéressant du niveau auquel les limites entre théorie et pratique, entre corps et parole, sont perméables et indéfinis. Dans la première moitié du XIXème siècle le texte du livret pour le ballet est bâti en imaginant sa réalisation sur scène, certainement non sa solitaire lecture dans un fauteuil, et beaucoup de choix qui concernent reconstitutions, actions et personnages sont guidées non seulement par choix artistique-littéraires, mais par la nécessité aussi de cogiter des solutions techniques et professionnelles, c'est à dire attentives à un plausible enchaînement des évènements et à la faisabilité de chaque action dansante, adéquates aux espaces et aux scénographies mises à disposition par le commanditaire, respectueuses à l'égard des demandes et des capacités des futurs interprètes. Avant tout le livret, en XIXème siècle premier noyau du ballet, reste un outil de travail pour ceux qui contribuent à la création du spectacle, puisqu'il est constitué par un ouvrage narratif qui accueillit et intègre à la fabula une vaste série d'annotations strictement techniques et de manœuvre, capables non seulement d'évoquer et de suggérer des thèmes et des atmosphères, mais d'indiquer aussi des modalités de réalisation, en imprimant une nette connotation au spectacle. Le livret se situe donc dans la zone qui naît de l'intersection entre texte narratif, texte dramatique et texte technique: il s'agit d'un hybride qui mélange descriptions, dialogues et indications pratiques. Il peut être défini comme “un avant-texte qui sert de fil conducteur à l’organisation du futur ballet”1, une vision structurée de ce qui sera le spectacle, un spectacle imaginé qui existe dans la tête de l'écrivain-voyant seulement. Il s'agit donc, pour l'écrivain, d'imaginer une danse qui n'est pas encore là sans oublier une certaine idée de corps en mouvement, de cultiver un songe, d'en être conscient et de le rendre visible grâce aux mots. Le livret correspond donc à un ensemble d'images qui s'accumulent dans la tête de celui qui écrit et, après, de celui qui lit, à un présage de spectacle qui trouve sa tangibilité sur scène, en s'incarnant dans des corps bâtis et redressés selon les règles et l'esthétique de la technique académique. Gautier, en tant que vrai homme de théâtre, rédige des livrets qui prévoient des histoires et des personnages faits pour le ballet, en arrivant, par l'écriture, à structurer la réalisation scénique, à en définir quelques indispensables caractères. Il bâtit l'histoire à partir des exigences et des conventions de la scène, il cherche des expeéients à fin d'y insérer des moments de danse, il donne de précises indications à propos des scènes et des costumes, de la musique et des sons, des actions, de la pantomime et de la danse. S'il est vrai qu'il utilise la terminologie technique de la danse d'une façon approximative et avec pas tellement de pertinence, je crois de pouvoir affirmer avec raison qu'il montre un bon savoir de la scène, une compétente connaissance des exigences du ballet et des danseurs, une conscience particulière des modalités avec lesquelles le group et chacun prend de la place en mouvement ou statyquement, une poétique capacité de donner de la couleur à l'action et à la danse par des notes qui indiquent avec sensibilité et précision sa qualité et son ton.
2007
Proceedings. Rethinking Dance History / Actes. Repenser pratique et théorie, atti del convegno (SDHS/CORD/CND, Paris, 21-24 giugno 2007), s.l., , 2007, pp. 300-305
300
305
E. Cervellati (2007). From the written word to the dancing body. Libretto and performance practice in Théophile Gautier. s.l : Society of Dance History Scholars.
E. Cervellati
File in questo prodotto:
Eventuali allegati, non sono esposti

I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.

Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11585/68517
 Attenzione

Attenzione! I dati visualizzati non sono stati sottoposti a validazione da parte dell'ateneo

Citazioni
  • ???jsp.display-item.citation.pmc??? ND
  • Scopus ND
  • ???jsp.display-item.citation.isi??? ND
social impact