Henry James est considéré comme un écrivain très loin de tout enjeu politique et social : « un impassioned geometer” (Van Wyck Brooks), “the Dark prince of the American Leisure class” (Maxwell Geismar), le chroniqueur ésotérique de la nouvelle aristocratie de l’argent, le ministre du cult de la forme. Les « récits de la vie littéraire », écrits principalement entre 1888 et 1900, ont été traditionnellement interprétés selon une clé métalittéraire comme des textes où la littérature s’étudie elle-même, où les ressorts et les mécanismes de la machine textuelle ainsi que la dynamique de sa production et de sa réception (qu’on songe seulement à La vie privée, à La chose authentique ou à L’image dans le tapis) y sont mis en lumière. Mais, si nous observons ces textes sous un autre angle, nous nous rendons compte qu’une lecture politique (et historique) est non seulement possible mais constitue peut-être même l’interprétation la plus « productive ». La fin du XIXème siècle et le début du XXème sont un moment crucial pour le statut de la littérature qui connait alors des changements dramatiques. Comme l’a écrit Jameson dans The Political Unconscious, “two literary and cultural structures, dialectically interrelated […] find themselves positioned in the distinct and generally incompatible spaces of the institutions of high literature and what the Frankfurt School conveniently called the ‘culture industry’, that is, the apparatuses for the production of ‘popular’ or mass culture”. La lecture politique nous permet de mettre en évidence les liens qui existent entre les « récits de la vie littéraire » et de les considérer dans leur ensemble comme une sorte de « otherbiography » multiple dans laquelle James dramatise la condition du « high-brow writer » en pleine modernité, c’est-à-dire sa propre condition : ses stratégies ambigües de résistance, ses effondrements, ses négociations face à la culture de masse, à la valeur économique de la littérature, aux rapports de classe refoulés qui sont à la base de la production du capital symbolique et de l’art pur.

Les "récits de la vie littéraire" d'Henry James: une lecture politique

MENEGHELLI, DONATA
2014

Abstract

Henry James est considéré comme un écrivain très loin de tout enjeu politique et social : « un impassioned geometer” (Van Wyck Brooks), “the Dark prince of the American Leisure class” (Maxwell Geismar), le chroniqueur ésotérique de la nouvelle aristocratie de l’argent, le ministre du cult de la forme. Les « récits de la vie littéraire », écrits principalement entre 1888 et 1900, ont été traditionnellement interprétés selon une clé métalittéraire comme des textes où la littérature s’étudie elle-même, où les ressorts et les mécanismes de la machine textuelle ainsi que la dynamique de sa production et de sa réception (qu’on songe seulement à La vie privée, à La chose authentique ou à L’image dans le tapis) y sont mis en lumière. Mais, si nous observons ces textes sous un autre angle, nous nous rendons compte qu’une lecture politique (et historique) est non seulement possible mais constitue peut-être même l’interprétation la plus « productive ». La fin du XIXème siècle et le début du XXème sont un moment crucial pour le statut de la littérature qui connait alors des changements dramatiques. Comme l’a écrit Jameson dans The Political Unconscious, “two literary and cultural structures, dialectically interrelated […] find themselves positioned in the distinct and generally incompatible spaces of the institutions of high literature and what the Frankfurt School conveniently called the ‘culture industry’, that is, the apparatuses for the production of ‘popular’ or mass culture”. La lecture politique nous permet de mettre en évidence les liens qui existent entre les « récits de la vie littéraire » et de les considérer dans leur ensemble comme une sorte de « otherbiography » multiple dans laquelle James dramatise la condition du « high-brow writer » en pleine modernité, c’est-à-dire sa propre condition : ses stratégies ambigües de résistance, ses effondrements, ses négociations face à la culture de masse, à la valeur économique de la littérature, aux rapports de classe refoulés qui sont à la base de la production du capital symbolique et de l’art pur.
2014
L'interprétation politique des oeuvres littéraires
205
222
Meneghelli Donata
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