La possibilité d’attribuer à la Commission, sous l’une ou l’autre forme, le pouvoir de conclure des accords internationaux, a toujours constitué l’un des thèmes institutionnels les plus sensibles de la Communauté européenne. En effet, la réticence traditionnelle des gouvernements nationaux à conférer expressément au Collège, institution indépendante des États, une fonction internationale autonome, au motif que pareil pouvoir politico-institutionnel pourrait échapper au contrôle permanent des États, a non seulement continué de faire obstacle à une solution de droit positif définissant de façon claire les compétences de la Commission dans le domaine des relations extérieures, mais a en outre suscité nombre d’incertitudes, s’agissant d’examiner et de réaménager les pouvoirs attribués à cette institution de manière à les rendre adaptés à la mise en oeuvre de son rôle international. Toutefois, personne ne met en discussion le caractère indispensable et irremplaçable de l’intense activité internationale de la Commission, ainsi que la nécessité pour cette dernière de disposer des formes juridiques reconnues pour l’exercice de son activité de coopération administrative internationale avec les pays tiers. Après avoir censuré la compétence de la Commission à conclure l’Accord de coopération de 1991 pour l’application des régimes antitrust avec les Etats-Unis, la Cour a affirmé que le Collège a le pouvoir d’approuver des actes tels que les Orientations en matière de coopération normative et de transparence (Guidelines on Regulatory Cooperation and Transparency), l’accord passé par la Commission avec l’administration des Etats-Unis en 2002, pourvu que ces actes soient susceptibles d’être qualifiés comme non contraignants. Dans le présent article, nous nous proposons de cerner les évolutions ainsi que les interactions entre le comportement de la Commission et les deux arrêts de la Cour de justice de 1994 (C-327/91) et de 2004 (C-233/02), tout en soulignant la ténacité et l’esprit pointilleux avec lesquels la France s’est adressée aux juges communautaires pour sanctionner les actes qu’elle considérait comme des tentatives illégales de l’exécutif indépendant de renforcer son importance au-delà des dispositions des Traités, et en mettant en évidence le rôle significatif joué par l’exécutif des Etats-Unis dans la réalisation d’un modèle de coopération administrative internationale capable d’éviter la censure des juges de Luxembourg. Après un tel excursus, il sera possible de comprendre la portée et les raisons de la décision sophistiquée de la Cour de mars 2004 et, donc, de cerner l’équilibre délicat que les juges communautaires, en confirmant la compétence de la Commission à se fonder sur des actes tels que les Guidelines, ont entendu établir entre, d’une part, les exigences du Collège de pouvoir utiliser des instruments juridiques certains pour organiser son activité de coopération administrative internationale avec les pays tiers et, d’autre part, les craintes, que la France personnifie, de voir l’exécutif indépendant se servir du travail accompli dans le secteur des relations extérieures pour outrepasser les pouvoirs que lui confère le système communautaire.

La Cour de justice et le treaty making power de la Commission européenne - depuis l’Accord de coopération dans l’application des régimes antitrust jusqu’à l’Accord sur les orientations en matière de coopération normative et de transparence

BARONCINI, ELISA
2006

Abstract

La possibilité d’attribuer à la Commission, sous l’une ou l’autre forme, le pouvoir de conclure des accords internationaux, a toujours constitué l’un des thèmes institutionnels les plus sensibles de la Communauté européenne. En effet, la réticence traditionnelle des gouvernements nationaux à conférer expressément au Collège, institution indépendante des États, une fonction internationale autonome, au motif que pareil pouvoir politico-institutionnel pourrait échapper au contrôle permanent des États, a non seulement continué de faire obstacle à une solution de droit positif définissant de façon claire les compétences de la Commission dans le domaine des relations extérieures, mais a en outre suscité nombre d’incertitudes, s’agissant d’examiner et de réaménager les pouvoirs attribués à cette institution de manière à les rendre adaptés à la mise en oeuvre de son rôle international. Toutefois, personne ne met en discussion le caractère indispensable et irremplaçable de l’intense activité internationale de la Commission, ainsi que la nécessité pour cette dernière de disposer des formes juridiques reconnues pour l’exercice de son activité de coopération administrative internationale avec les pays tiers. Après avoir censuré la compétence de la Commission à conclure l’Accord de coopération de 1991 pour l’application des régimes antitrust avec les Etats-Unis, la Cour a affirmé que le Collège a le pouvoir d’approuver des actes tels que les Orientations en matière de coopération normative et de transparence (Guidelines on Regulatory Cooperation and Transparency), l’accord passé par la Commission avec l’administration des Etats-Unis en 2002, pourvu que ces actes soient susceptibles d’être qualifiés comme non contraignants. Dans le présent article, nous nous proposons de cerner les évolutions ainsi que les interactions entre le comportement de la Commission et les deux arrêts de la Cour de justice de 1994 (C-327/91) et de 2004 (C-233/02), tout en soulignant la ténacité et l’esprit pointilleux avec lesquels la France s’est adressée aux juges communautaires pour sanctionner les actes qu’elle considérait comme des tentatives illégales de l’exécutif indépendant de renforcer son importance au-delà des dispositions des Traités, et en mettant en évidence le rôle significatif joué par l’exécutif des Etats-Unis dans la réalisation d’un modèle de coopération administrative internationale capable d’éviter la censure des juges de Luxembourg. Après un tel excursus, il sera possible de comprendre la portée et les raisons de la décision sophistiquée de la Cour de mars 2004 et, donc, de cerner l’équilibre délicat que les juges communautaires, en confirmant la compétence de la Commission à se fonder sur des actes tels que les Guidelines, ont entendu établir entre, d’une part, les exigences du Collège de pouvoir utiliser des instruments juridiques certains pour organiser son activité de coopération administrative internationale avec les pays tiers et, d’autre part, les craintes, que la France personnifie, de voir l’exécutif indépendant se servir du travail accompli dans le secteur des relations extérieures pour outrepasser les pouvoirs que lui confère le système communautaire.
2006
Elisa Baroncini
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