Hypothèse de la correspondance: représentations des cibles et choix du style d’influence dans un contexte de prévention

Des travaux récents dans le domaine de l’influence sociale ont amené un intérêt nouveau aux thèmes du style d’influence dans les situations de communication persuasive. Mugny et collègues (2002) ont formulé une hypothèse de la correspondance : on suggère qu’une source d’influence peut atteindre à ses buts persuasifs seulement dans la mesure où elle se sert d’un style de communication approprié au contexte relationnel dans lequel les cibles et la source sont engagés. La pertinence du style d’influence, voir sa correspondance avec la relation en cours, dépend de l’activation de contrats de communication différents, selon la position sociale occupée par les acteurs impliqués. Les contrats activés par des relations plutôt asymétriques requièrent, selon cette hypothèse, le recours à des styles d’influence assez directifs, contraignants, de façon à suggérer aux cibles la voie la plus directe de se conformer à une source qui connaît et transmet un savoir légitime; au contraire, les contrats en vigueur dans des relations plutôt paritaires demanderaient une communication respectueuse et flexible, telle à confier aux cibles, légitimés eux-mêmes à se former et maintenir une position autonome, la possibilité de préserver leur propre liberté de choix (Quiamzade et al., soumis). Les résultats confirment dans une bonne mesure ces prévisions, lors que des étudiants universitaires sont les cibles des efforts persuasifs produits par des experts (notamment, des professeurs) à l’égard de leur cursus d’études (Buchs et al., 2002 ; Tomasetto, Carugati, soumis). Ici, par contre, on a demandé à des étudiants de psychologie de s’assumer le rôle d’agents éducatifs/informationnels, c’est-à-dire de sources d’influence, la tâche consistant dans le choix d’un message de prévention, adressé à des adolescents, concernant l’abus des drogues de synthèse (MDMA, voir Ecstasy). Bien que les convictions idéologiques influencent fortement les stratégies rhétoriques de l’argumentation (Billig, 1991), tout en amenant le participants à choisir un type de message cohérent avec leur positions à l’égard de la prévention de l’abus de substances, notre hypothèse prévoit tout de même que des facteurs relationnels interviennent à modérer le choix du style du message. Plus en détail, l’induction des différentes caractéristiques des cibles devrait favoriser la préférence pour une communication orientée à l’évitement de la conduite tout court, ou bien à la réduction du risque; s’il est vrai, comme l’hypothèse de correspondance suggère, que la communication nécessite d’une adaptation au contexte relationnel, la stratégie de réduction du risque devrait s’avérer plus adapte à confier aux cibles leur liberté décisionnelle, ce qui correspondrait davantage aux enjeux d’un contrat de communication flexible et respectueux visant à des cibles de haut statut ; par contre, la choix d’une stratégie de communication directement ciblée à la suppression de la conduite d’abus devrait s’avérer plus cohérente avec l’activation d’un contrat de communication plutôt directif et contraignant, ce qui est plus probable face à des cibles de bas statut. les résultats supportent en partie l'hypothèse.