Le texte et son ombre ou le lecteur supplicié dans Projet pour une révolution à New York

Robbe-Grillet a toujours cherché à interdire certains codes de lecture traditionnels, comme le code narratif, fondé sur la capacité d’établir des liens logiques et chronologiques entre les événements, et le code de la personne, fondé sur les notions d’identité ou personalité, grâce auquel le lecteur fait d’un ensemble de mots un personnage. Matière thématique première de Projet pour une révolution à New York, le sadisme y prend souvent la forme d’une pédagogie grotesque, selon un protocole constitué de questions, de réponses et de sanctions. Davantage, clé du dispositif romanesque, il apparaît corollairement comme le miroir de l’éducation cruelle du lecteur et repose sur double registre : l’intrigue est demantiboulée , l’identité des personnages se désagrège sous nos yeux, même leurs traits humains sont mis en question ; au meme temps, à intervalles irréguliers, le récit semble retrouver son fonctionnement conventionnel, les personnages paraissant se solidifier et retrouver un profil quasi naturaliste. De cette façon, la vraisemblance reste toujours une possibilité séduisante, mais pour être chaque fois niée, selon une logique qui soumet les codes du lecteur à une lente et incessante torture.