Lire les manifestes littéraires à l’orée du XXIe siècle

Au tournant du siècle, on a assisté à l’émergence d’écrits qu’on peut lier au genre manifestaire. Parmi ceux-ci, l’article Pour une littérature-monde en français publié dans «Le Monde» du 16 mars 2007, signé par 44 écrivains francophones et devenu un volume par la suite (Paris, Gallimard, 2007) et les déclarations programmatiques du Collectif «Qui fait la France?», qui réunit plusieurs jeunes citoyens français issus, pour la plupart, de l’immigration. Dans les deux cas, des voix provenant de ce qu’on avait l’habitude de considérer comme les périphéries du champ littéraire français invoquent une révision des règles d’accès au champ lui-même. Le ton et la force d’impact de ces textes font penser aux meilleurs exemples de l’âge d’or des manifestes, et, cependant, les éléments nouveaux sont nombreux, liés à une scène littéraire (et sociale et géopolitique) complètement différente. Il nous a paru opportun, par conséquent, de nous demander en premier lieu si le tournant du nouveau siècle a recréé les conditions pour une reviviscence du genre manifestaire et, en deuxième lieu, si et de quelle manière les caractéristiques du genre (techniques, esthétiques, stratégiques au sens large) ont changé. Une dernière interrogation s’est imposée, portant sur la méthodologie même de la recherche: à l’aide de quels instruments critiques peut-on lire le manifeste, et comment peut-on en parler?