Si l’on ne trouve pas de théorisation explicite de ce qui serait une géographie anarchiste chez Élisée Reclus, c’est qu’à l’époque, la question de la nature de la géographie ne se posait tout simplement pas de la même manière qu’aujourd’hui . Mais la raison en est aussi que l’anarchisme récuse l’idée de « l’intellectuel organique », qui ne peut qu’être au service du pouvoir qui le produit (Antonio Gramsci). Il en serait de même d’une science au service de n’importe quelle organisation politique (y compris anarchiste). La légende d’un Élisée Reclus apolitique rassurait, d’ailleurs, le public bourgeois, qui n’aimait pas le communard tout en admirant le grand scientifique, mais, en réalité, la géographie de Reclus est imprégnée de ses convictions anarchistes. C’est évident pour qui connait les principes de l’anarchisme. Ainsi son best-seller, La Nouvelle Géographie Universelle, paru entre 1876 et 1894, a a paru conventionnel à certain critiques et Reclus présente lui-même son œuvre magistrale comme un travail « pas-politique ». Cependant, elle traite bien de questions sociales et politiques, comme celle des nationalités en Europe de l’Est, un sujet alors sensible et cher à l’Internationale antiautoritaire . Plus évident encore : les volumes de cette monumentale encyclopédie géographique qui sont dédiés à l’Afrique et à l’Asie, développent un discours en tous points opposé à celui de la « géographie coloniale » de l’époque. Reclus prône l’empathie, la fraternité, la connaissance des peuples. Sa correspondance éditoriale avec ses collaborateurs témoigne d’ailleurs de ses préoccupations politiques dans ce contexte.
Federico Ferretti (2021). Y a-t-il une géographie anarchiste ? L’exemple d’Élisée Reclus. Entretien avec Federico Ferretti. Paris : La Découverte.
Y a-t-il une géographie anarchiste ? L’exemple d’Élisée Reclus. Entretien avec Federico Ferretti
Federico Ferretti
2021
Abstract
Si l’on ne trouve pas de théorisation explicite de ce qui serait une géographie anarchiste chez Élisée Reclus, c’est qu’à l’époque, la question de la nature de la géographie ne se posait tout simplement pas de la même manière qu’aujourd’hui . Mais la raison en est aussi que l’anarchisme récuse l’idée de « l’intellectuel organique », qui ne peut qu’être au service du pouvoir qui le produit (Antonio Gramsci). Il en serait de même d’une science au service de n’importe quelle organisation politique (y compris anarchiste). La légende d’un Élisée Reclus apolitique rassurait, d’ailleurs, le public bourgeois, qui n’aimait pas le communard tout en admirant le grand scientifique, mais, en réalité, la géographie de Reclus est imprégnée de ses convictions anarchistes. C’est évident pour qui connait les principes de l’anarchisme. Ainsi son best-seller, La Nouvelle Géographie Universelle, paru entre 1876 et 1894, a a paru conventionnel à certain critiques et Reclus présente lui-même son œuvre magistrale comme un travail « pas-politique ». Cependant, elle traite bien de questions sociales et politiques, comme celle des nationalités en Europe de l’Est, un sujet alors sensible et cher à l’Internationale antiautoritaire . Plus évident encore : les volumes de cette monumentale encyclopédie géographique qui sont dédiés à l’Afrique et à l’Asie, développent un discours en tous points opposé à celui de la « géographie coloniale » de l’époque. Reclus prône l’empathie, la fraternité, la connaissance des peuples. Sa correspondance éditoriale avec ses collaborateurs témoigne d’ailleurs de ses préoccupations politiques dans ce contexte.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.