«Au commencement était l'action». Telle est l’interprétation que Goethe a choisie et qu’il met dans la bouche de Faust, parmi les diverses hypothèses de traduction du Prologue de l'Évangile de Jean. Il désignait par là une responsabilité historique: en ce monde imparfait, la tâche de l'homme est de travailler sans relâche et de toutes ses forces à le transformer pour qu'il puisse y vivre libre, dans la paix et le bonheur. Seule est sublime l'action qui a pour fin le bien de l'humanité. Selon des voies différentes, l'invite sera reprise au xixe siècle, qu'il s'agisse d'Auguste Comte pour qui chaque forme de savoir doit s'orienter progressivement vers la positivité d'une science capable de trouver des solutions rationnelles aux besoins des individus et de la société, ou de Karl Marx: «Les philosophes ont jusqu'ici diversement interprété le monde. Il s'agit maintenant de le transformer». Tout savoir de type contemplatif, affirme-t-il, doit être démystifié dans la mesure où il ne fait que traduire les privilèges de la classe dominante. L'antique opposition entre théorie et praxis se trouve ainsi renversée: la fin suprême qu'était la contemplation pour Platon, si fortement distinguée des activités pratiques, perd tout privilège et vient se ramener à l'expression des inégalités sociales. Longtemps, cette conception a dominé le panorama philosophique européen et mondial, reléguant la philosophie au statut de reflet des réalités économiques et sociales. Toutefois, n'est-il pas possible de penser autrement les rapports entre théorie et pratique ? Après que les maîtres du soupçon ont tenté de montrer les racines de l'activité humaine dans les contradictions de la dialectique historique, dans la profondeur de l'inconscient ou dans la volonté de puissance, revient aujourd'hui la question: l'activité théorétique n'est-elle pas elle-même action au sens le plus fort du terme, comme le pensaient les Anciens? Ne requiert-elle pas elle aussi un dur et patient travail? L'idée s'impose aussi que le vrai sens de l'action consiste autant dans la réalisation de soi que dans la réalisation de l'œuvre: «faire et en faisant se faire». Dans cette double tâche, la pensée herméneutique a mis en lumière la liberté et la responsabilité de l'interprète qui donne un sens aux diverses activités humaines. Le philosophe devient alors, selon l'expression de Husserl, «fonctionnaire de l'humanité». Aux philosophes, il appartient alors d'expliciter le concept de l'action selon les exigences théoriques de leur discipline, mais en prenant en compte les activités humaines dans toute leur diversité et leur extension.

L'Action. Penser la vie, "agir" la pensée

FORMISANO, ROBERTO;MALAGUTI, MAURIZIO
2013

Abstract

«Au commencement était l'action». Telle est l’interprétation que Goethe a choisie et qu’il met dans la bouche de Faust, parmi les diverses hypothèses de traduction du Prologue de l'Évangile de Jean. Il désignait par là une responsabilité historique: en ce monde imparfait, la tâche de l'homme est de travailler sans relâche et de toutes ses forces à le transformer pour qu'il puisse y vivre libre, dans la paix et le bonheur. Seule est sublime l'action qui a pour fin le bien de l'humanité. Selon des voies différentes, l'invite sera reprise au xixe siècle, qu'il s'agisse d'Auguste Comte pour qui chaque forme de savoir doit s'orienter progressivement vers la positivité d'une science capable de trouver des solutions rationnelles aux besoins des individus et de la société, ou de Karl Marx: «Les philosophes ont jusqu'ici diversement interprété le monde. Il s'agit maintenant de le transformer». Tout savoir de type contemplatif, affirme-t-il, doit être démystifié dans la mesure où il ne fait que traduire les privilèges de la classe dominante. L'antique opposition entre théorie et praxis se trouve ainsi renversée: la fin suprême qu'était la contemplation pour Platon, si fortement distinguée des activités pratiques, perd tout privilège et vient se ramener à l'expression des inégalités sociales. Longtemps, cette conception a dominé le panorama philosophique européen et mondial, reléguant la philosophie au statut de reflet des réalités économiques et sociales. Toutefois, n'est-il pas possible de penser autrement les rapports entre théorie et pratique ? Après que les maîtres du soupçon ont tenté de montrer les racines de l'activité humaine dans les contradictions de la dialectique historique, dans la profondeur de l'inconscient ou dans la volonté de puissance, revient aujourd'hui la question: l'activité théorétique n'est-elle pas elle-même action au sens le plus fort du terme, comme le pensaient les Anciens? Ne requiert-elle pas elle aussi un dur et patient travail? L'idée s'impose aussi que le vrai sens de l'action consiste autant dans la réalisation de soi que dans la réalisation de l'œuvre: «faire et en faisant se faire». Dans cette double tâche, la pensée herméneutique a mis en lumière la liberté et la responsabilité de l'interprète qui donne un sens aux diverses activités humaines. Le philosophe devient alors, selon l'expression de Husserl, «fonctionnaire de l'humanité». Aux philosophes, il appartient alors d'expliciter le concept de l'action selon les exigences théoriques de leur discipline, mais en prenant en compte les activités humaines dans toute leur diversité et leur extension.
2013
818
2711643743
FERRARI J; FORMISANO R; MALAGUTI M
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