Le langage de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), instrument conventionnel appartenant au système juridique de l’OMC, a inspiré une pratique judiciaire qui fait des «sciences dures» un usage intensif . Et c’est peu dire. Ce n’est pas seulement que les allusions explicites aux verdicts de la science comme paramètres de légalité abondent dans l’Accord SPS ; elles y apparaissent disloquées dans une structure normative singulièrement complexe. Doué d’un esprit tatillon, le juge de l’OMC en a exploré désormais presque tous les recoins, les résultats de cette entreprise ayant été, d’une part, une jurisprudence foisonnante qui fera pour longtemps le bonheur de tous ceux qui s’intéressent aux problèmes qui jaillissent au croisement entre droit et science et, d’autre part, tout un fleurir de raisonnements à peu près inextricables. Dans cette jurisprudence labyrinthique la transparence du raisonnement judiciaire est bientôt perdue et il en va parfois de même pour le discernement de ses commentateurs. A notre connaissance, la décision du Groupe spécial relative à l’affaire des OGM, impressionnante pour la minutie de ses analyses et pour sa longueur (deux milliers de pages annexes incluses), a fait l’objet de critiques presque unanimes mais qui manquent souvent la cible. En effet, les mouvements du mécanisme judiciaire qui ont préparé la défaite de la Communauté européenne ne transparaissent pas toujours clairement derrière le raisonnement du juge. Nous avons essayé d’en rendre compte dans un autre écrit. Les résultats auxquels nous étions parvenus ne sont repris ici que dans la mesure du nécessaire. En fait, à bien des égards, la décision relative à l’affaire des OGM appartient désormais à l’archéologie judiciaire. Les aspects de la décision qui avaient été par la suite repris et développés par le Groupe spécial chargé de l’affaire Hormones II, ont été peu après tous invalidés par l’Organe d’appel, juge de dernière instance et vrai tisseur de la jurisprudence de l’OMC. Si jamais le juge de l’OMC sera saisi d’une autre affaire portant sur le commerce d’OGM, tout pronostic concernant sa résolution devrait d’ores et déjà être formulé sur la base des clarifications apportées par la décision de l’Organe d’appel relative à l’affaire Hormones II . C’est pourquoi cet article se concentre essentiellement sur les derniers acquis de la jurisprudence. L’analyse des technicismes de l’Accord SPS qu’y est développée apparaîtra peu invitante. Malgré cela, notre intention a été plutôt celle de dissoudre, dans la mesure du possible, les casse-tête qu’une interprétation travaillée de l’Accord SPS a pu créer, et ce dans le souci, ici comme ailleurs, de promouvoir une simplification de la «grammaire scientiste» qui, dans le domaine qui nous concerne, régit le discours du juge de l’OMC .
Gradoni L. (2013). La science judiciaire à l'OMC ou les opinions du juge Faustroll autour des OGM et de la viande de bovins traités aux hormones. PARIS : Publications de la Sorbonne.
La science judiciaire à l'OMC ou les opinions du juge Faustroll autour des OGM et de la viande de bovins traités aux hormones
GRADONI, LORENZO
2013
Abstract
Le langage de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), instrument conventionnel appartenant au système juridique de l’OMC, a inspiré une pratique judiciaire qui fait des «sciences dures» un usage intensif . Et c’est peu dire. Ce n’est pas seulement que les allusions explicites aux verdicts de la science comme paramètres de légalité abondent dans l’Accord SPS ; elles y apparaissent disloquées dans une structure normative singulièrement complexe. Doué d’un esprit tatillon, le juge de l’OMC en a exploré désormais presque tous les recoins, les résultats de cette entreprise ayant été, d’une part, une jurisprudence foisonnante qui fera pour longtemps le bonheur de tous ceux qui s’intéressent aux problèmes qui jaillissent au croisement entre droit et science et, d’autre part, tout un fleurir de raisonnements à peu près inextricables. Dans cette jurisprudence labyrinthique la transparence du raisonnement judiciaire est bientôt perdue et il en va parfois de même pour le discernement de ses commentateurs. A notre connaissance, la décision du Groupe spécial relative à l’affaire des OGM, impressionnante pour la minutie de ses analyses et pour sa longueur (deux milliers de pages annexes incluses), a fait l’objet de critiques presque unanimes mais qui manquent souvent la cible. En effet, les mouvements du mécanisme judiciaire qui ont préparé la défaite de la Communauté européenne ne transparaissent pas toujours clairement derrière le raisonnement du juge. Nous avons essayé d’en rendre compte dans un autre écrit. Les résultats auxquels nous étions parvenus ne sont repris ici que dans la mesure du nécessaire. En fait, à bien des égards, la décision relative à l’affaire des OGM appartient désormais à l’archéologie judiciaire. Les aspects de la décision qui avaient été par la suite repris et développés par le Groupe spécial chargé de l’affaire Hormones II, ont été peu après tous invalidés par l’Organe d’appel, juge de dernière instance et vrai tisseur de la jurisprudence de l’OMC. Si jamais le juge de l’OMC sera saisi d’une autre affaire portant sur le commerce d’OGM, tout pronostic concernant sa résolution devrait d’ores et déjà être formulé sur la base des clarifications apportées par la décision de l’Organe d’appel relative à l’affaire Hormones II . C’est pourquoi cet article se concentre essentiellement sur les derniers acquis de la jurisprudence. L’analyse des technicismes de l’Accord SPS qu’y est développée apparaîtra peu invitante. Malgré cela, notre intention a été plutôt celle de dissoudre, dans la mesure du possible, les casse-tête qu’une interprétation travaillée de l’Accord SPS a pu créer, et ce dans le souci, ici comme ailleurs, de promouvoir une simplification de la «grammaire scientiste» qui, dans le domaine qui nous concerne, régit le discours du juge de l’OMC .I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.