L'article s’attache surtout à l’étude des créateurs de devises et d’emblèmes (images et textes), et à leur ‘créativité’. En effet, entre les nombreux paradoxes de la littérature, celui de liberté créatrice est des plus curieux. À y regarder de près, en effet, ce concept se fonde depuis des siècles sur l’imitation, réduite parfois, dans le pire des cas, au plagiat. Si imiter servait justement à être original dans des époques qui faisaient du passé une divinité à adorer, cela signifie qu’on ne peut appliquer trop strictement à leur pratique littéraire le principe moderne d’originalité, entendu comme l’aptitude à inventer des formes nouvelles, à formuler les problèmes et à les résoudre de façon nouvelle, non plus que celui de liberté créatrice dans son sens absolu. Ce problème a nourri les travaux des meilleurs chercheurs : il présente des facettes complexes qui vont de la translatio studii selon la tradition classique et médiévale jusqu’à la transcription la plus prosaïque de vers incomparables enchâssés parmi d’autres qu’on ajoute à des traductions qui sont des remaniements, à des vulgarisations qui sont des reconstructions, à des traductions qui ne sont que cela au point de devenir illisibles. Le fait est que l’artiste, le lettré, le savant (l’ancien philosophe de la nature) sont issus d’une culture déterminée, dans laquelle ils ont été éduqués et qui les a en partie formés, et jamais ils ne sont complètement libres ; même quand leur « inventions » innovent par rapport aux formes traditionnelles ils doivent toujours compter avec la matière dont ils se servent pour leurs réalisations, et le langage est pour les lettrés un conditionnement impossible à forcer, aussi résistant que le marbre pour le sculpteur. Ils sont donc toujours comme « des nains sur les épaules de géants », pour reprendre l’heureuse formule de Bernard de Chartres (XIIe siècle), et en liberté conditionnelle ; mais moins ils semblent originaux dans ces époques où l’on est en quête de principes de création éternellement valides, comme pendant la Renaissance, et plus ils le sont justement pour cela, c’est leur principal paradoxe. (Il s'agit de la réelaboration d'un travail en langue italienne daté de 2008).

Quand 'Prudentia' était aussi un cheval, ou du primat de l'esprit. Liberté (et paradoxes) dans l'habilité créatrice des conceptistes / A. Maranini. - STAMPA. - (2012), pp. 87-106.

Quand 'Prudentia' était aussi un cheval, ou du primat de l'esprit. Liberté (et paradoxes) dans l'habilité créatrice des conceptistes

MARANINI, ANNA
2012

Abstract

L'article s’attache surtout à l’étude des créateurs de devises et d’emblèmes (images et textes), et à leur ‘créativité’. En effet, entre les nombreux paradoxes de la littérature, celui de liberté créatrice est des plus curieux. À y regarder de près, en effet, ce concept se fonde depuis des siècles sur l’imitation, réduite parfois, dans le pire des cas, au plagiat. Si imiter servait justement à être original dans des époques qui faisaient du passé une divinité à adorer, cela signifie qu’on ne peut appliquer trop strictement à leur pratique littéraire le principe moderne d’originalité, entendu comme l’aptitude à inventer des formes nouvelles, à formuler les problèmes et à les résoudre de façon nouvelle, non plus que celui de liberté créatrice dans son sens absolu. Ce problème a nourri les travaux des meilleurs chercheurs : il présente des facettes complexes qui vont de la translatio studii selon la tradition classique et médiévale jusqu’à la transcription la plus prosaïque de vers incomparables enchâssés parmi d’autres qu’on ajoute à des traductions qui sont des remaniements, à des vulgarisations qui sont des reconstructions, à des traductions qui ne sont que cela au point de devenir illisibles. Le fait est que l’artiste, le lettré, le savant (l’ancien philosophe de la nature) sont issus d’une culture déterminée, dans laquelle ils ont été éduqués et qui les a en partie formés, et jamais ils ne sont complètement libres ; même quand leur « inventions » innovent par rapport aux formes traditionnelles ils doivent toujours compter avec la matière dont ils se servent pour leurs réalisations, et le langage est pour les lettrés un conditionnement impossible à forcer, aussi résistant que le marbre pour le sculpteur. Ils sont donc toujours comme « des nains sur les épaules de géants », pour reprendre l’heureuse formule de Bernard de Chartres (XIIe siècle), et en liberté conditionnelle ; mais moins ils semblent originaux dans ces époques où l’on est en quête de principes de création éternellement valides, comme pendant la Renaissance, et plus ils le sont justement pour cela, c’est leur principal paradoxe. (Il s'agit de la réelaboration d'un travail en langue italienne daté de 2008).
2012
La Vertu de Prudence entre Moyen Age et âge classique
87
106
Quand 'Prudentia' était aussi un cheval, ou du primat de l'esprit. Liberté (et paradoxes) dans l'habilité créatrice des conceptistes / A. Maranini. - STAMPA. - (2012), pp. 87-106.
A. Maranini
File in questo prodotto:
Eventuali allegati, non sono esposti

I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.

Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11585/119357
 Attenzione

Attenzione! I dati visualizzati non sono stati sottoposti a validazione da parte dell'ateneo

Citazioni
  • ???jsp.display-item.citation.pmc??? ND
  • Scopus ND
  • ???jsp.display-item.citation.isi??? ND
social impact