En suivant Berman, il est possible de considérer la retraduction, d’une part, comme le résultat d’un effort de rapprochement littéraire, c’est-à-dire, d’un retour à la source qui viserait à remédier à la défaillance ou au « non-traduire » des traductions précédentes d’un même texte ; et, d’autre part, comme une réponse au besoin de réactualisation du texte traduit face à des normes linguistiques, littéraires et esthétiques qui évoluent dans la culture d’accueil . Entre ces deux mouvements, respectivement sourcier et cibliste, il arrive parfois que l’on assiste à la parution quasi simultanée de retraductions d’une œuvre. Dans ce cas, déterminer les raisons de l’existence de traductions chronologiquement rapprochées nous oblige en quelque sorte à réviser l’approche que nous venons d’énoncer, à l’aide de nouveaux concepts et méthodes. Selon Gambier, ces versions concomitantes se situent, généralement, dans des « moments aigus » qui correspondent à des périodes historiques de « moindre résistance, ou de plus grande ouverture de la langue-culture d’accueil » . En effet, si elles se situent dans des périodes de grand intérêt vis-à-vis du texte source, il sera nécessaire de délimiter les causes, à la fois textuelles et extratextuelles, d’une telle situation dans la culture d’arrivée. En ce sens, au-delà des conditions proprement historiques, il nous semble que le rôle des traducteurs, des éditeurs et même des figures du monde académique est fondamental dans l’impulsion de nouvelles traductions dans le même espace linguistique, culturel et temporel, voire dans la mise en place de mécanismes d’ouverture, notamment envers les classiques. Pour approfondir cette question en rapport avec les retraductions françaises du Don Quichotte au XXe siècle, nous faisons ici appel à la notion de « retraduction active », proposée par Pym dans le cadre de sa méthode historique. Cette notion souligne les rapports dynamiques qu’entretiennent les retraductions d’un même texte et permet d’interroger les causes de la retraduction non pas du côté de l’évolution des normes de la culture d’accueil mais dans l’« entourage » des traducteurs, des éditeurs, des lecteurs et des politiques interculturelles. Dans cette perspective, nous avons procédé à l’analyse comparée des préfaces, des introductions et des notices accompagnant les traductions françaises du Don Quichotte, à fin d’identifier les enjeux de chaque projet traductologique et les stratégies de traduction à l’œuvre . Ainsi, nous avons essayé de répondre à des questions concernant les positions des traducteurs et des éditeurs qui, dans une culture cible donnée, semblent revendiquer la « vérité » de leur traduction, en fonction des publics qu’ils visent et d’une certaine idée de lisibilité ou d’accessibilité au texte.
A. Pano Alaman (2011). La retraduction active du Don Quichotte en France au XXe siècle: 'Jamás llegarán al punto que tienen en su primer nacimiento'. PARIS : Orizons.
La retraduction active du Don Quichotte en France au XXe siècle: 'Jamás llegarán al punto que tienen en su primer nacimiento'
PANO ALAMAN, ANA
2011
Abstract
En suivant Berman, il est possible de considérer la retraduction, d’une part, comme le résultat d’un effort de rapprochement littéraire, c’est-à-dire, d’un retour à la source qui viserait à remédier à la défaillance ou au « non-traduire » des traductions précédentes d’un même texte ; et, d’autre part, comme une réponse au besoin de réactualisation du texte traduit face à des normes linguistiques, littéraires et esthétiques qui évoluent dans la culture d’accueil . Entre ces deux mouvements, respectivement sourcier et cibliste, il arrive parfois que l’on assiste à la parution quasi simultanée de retraductions d’une œuvre. Dans ce cas, déterminer les raisons de l’existence de traductions chronologiquement rapprochées nous oblige en quelque sorte à réviser l’approche que nous venons d’énoncer, à l’aide de nouveaux concepts et méthodes. Selon Gambier, ces versions concomitantes se situent, généralement, dans des « moments aigus » qui correspondent à des périodes historiques de « moindre résistance, ou de plus grande ouverture de la langue-culture d’accueil » . En effet, si elles se situent dans des périodes de grand intérêt vis-à-vis du texte source, il sera nécessaire de délimiter les causes, à la fois textuelles et extratextuelles, d’une telle situation dans la culture d’arrivée. En ce sens, au-delà des conditions proprement historiques, il nous semble que le rôle des traducteurs, des éditeurs et même des figures du monde académique est fondamental dans l’impulsion de nouvelles traductions dans le même espace linguistique, culturel et temporel, voire dans la mise en place de mécanismes d’ouverture, notamment envers les classiques. Pour approfondir cette question en rapport avec les retraductions françaises du Don Quichotte au XXe siècle, nous faisons ici appel à la notion de « retraduction active », proposée par Pym dans le cadre de sa méthode historique. Cette notion souligne les rapports dynamiques qu’entretiennent les retraductions d’un même texte et permet d’interroger les causes de la retraduction non pas du côté de l’évolution des normes de la culture d’accueil mais dans l’« entourage » des traducteurs, des éditeurs, des lecteurs et des politiques interculturelles. Dans cette perspective, nous avons procédé à l’analyse comparée des préfaces, des introductions et des notices accompagnant les traductions françaises du Don Quichotte, à fin d’identifier les enjeux de chaque projet traductologique et les stratégies de traduction à l’œuvre . Ainsi, nous avons essayé de répondre à des questions concernant les positions des traducteurs et des éditeurs qui, dans une culture cible donnée, semblent revendiquer la « vérité » de leur traduction, en fonction des publics qu’ils visent et d’une certaine idée de lisibilité ou d’accessibilité au texte.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.