Au XIXe siècle, les œuvres littéraires de différents écrivains non professionnels circulent dans les salons des romantiques, mais dans une sorte d’«espace à part»: une distance irréductible sépare encore les écrivains à part entière et les écrivains travailleurs, issu des basses couches de la société. La situation change au tournant du siècle: les travailleurs ont acquis une plus grande autonomie, leur formation scolaire atteint des niveaux inédits et le vaste mouvement régionaliste qui s’impose en France donne de nouvelles chances à ceux d’entre eux qui ambitionnent une carrière littéraire. C’est ainsi que des écrivains autodidactes, provinciaux et d’origine très modeste comme Ch.-L. Philippe, M. Audoux et É. Guillaumin se fraient un chemin vers Paris et ses institutions littéraires les plus légitimes. L’accès aux instances centrales de ces auteurs a priori illégitimes va de pair avec l’invention de nouvelles stratégies de légitimation. De manière sans doute paradoxale, la marginalité, donc l’illégitimité initiale de ces auteurs, devient elle-même un atout en vue de l’obtention d’une légitimité durable. Loin d’être systématiquement occultée, elle est alors mise en valeur, quoique forcément transformée: on pourra donc parler d’une «légitimité des illégitimes». La présence, dans le champ, de ces «irréguliers» entraîne la formation d’un réseau complémentaire d’écrivains et d’intellectuels dont le rôle principal sera, précisément, de gérer cette nouvelle légitimité. Ces derniers bénéficient en échange d’une place identifiable dans le champ, non en tant qu’auteurs, mais en tant que «parrains». Cette sorte d’alliance convient aux néophytes autant qu’à des auteurs déjà confirmés, mais dont le statut tend à décliner: chacune des parties trouve son intérêt à la rendre publique. L’article aborde les différentes stratégies de légitimation des écrivains populaires et autodidactes par une étude conjointe des textes et des contextes.

Du paternalisme romantique aux "illégitimes légitimés": stratégies de légitimation des écrivains populaires et autodidactes (1830-1939)

GNOCCHI, MARIA CHIARA
2011

Abstract

Au XIXe siècle, les œuvres littéraires de différents écrivains non professionnels circulent dans les salons des romantiques, mais dans une sorte d’«espace à part»: une distance irréductible sépare encore les écrivains à part entière et les écrivains travailleurs, issu des basses couches de la société. La situation change au tournant du siècle: les travailleurs ont acquis une plus grande autonomie, leur formation scolaire atteint des niveaux inédits et le vaste mouvement régionaliste qui s’impose en France donne de nouvelles chances à ceux d’entre eux qui ambitionnent une carrière littéraire. C’est ainsi que des écrivains autodidactes, provinciaux et d’origine très modeste comme Ch.-L. Philippe, M. Audoux et É. Guillaumin se fraient un chemin vers Paris et ses institutions littéraires les plus légitimes. L’accès aux instances centrales de ces auteurs a priori illégitimes va de pair avec l’invention de nouvelles stratégies de légitimation. De manière sans doute paradoxale, la marginalité, donc l’illégitimité initiale de ces auteurs, devient elle-même un atout en vue de l’obtention d’une légitimité durable. Loin d’être systématiquement occultée, elle est alors mise en valeur, quoique forcément transformée: on pourra donc parler d’une «légitimité des illégitimes». La présence, dans le champ, de ces «irréguliers» entraîne la formation d’un réseau complémentaire d’écrivains et d’intellectuels dont le rôle principal sera, précisément, de gérer cette nouvelle légitimité. Ces derniers bénéficient en échange d’une place identifiable dans le champ, non en tant qu’auteurs, mais en tant que «parrains». Cette sorte d’alliance convient aux néophytes autant qu’à des auteurs déjà confirmés, mais dont le statut tend à décliner: chacune des parties trouve son intérêt à la rendre publique. L’article aborde les différentes stratégies de légitimation des écrivains populaires et autodidactes par une étude conjointe des textes et des contextes.
2011
Légitimité, légitimation
127
140
M. C. GNOCCHI
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