Le siècle des Lumières se situe au centre d’un long processus de transformation du système judiciaire et de la pensée juridique françaises, qui va de la fin du XVIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault indique comme bornes marquantes de ce processus les années 1670 (date de la promulgation de l’Ordonnance royale régissant la justice d’Ancien Régime en France) et 1838 (date de l’ouverture de la première prison “moderne” en France, la prison de la Roquette à Paris). La pensée et l’engagement de Voltaire se situent au milieu de cette période : à partir de la défense des Calas, qui date du début des années 1760, Voltaire engagea une importante bataille philosophique et politique visant la reforme de la justice de l’Etat. En particulier, dans ma proposition, j’analyserai l’influence exercée par l’œuvre de Cesare Beccaria, Dei delitti e delle pene, sur la pensée de Voltaire. Voltaire fut l’un des principaux artisans du succès et de la diffusion de l’œuvre de Beccaria en France et en Europe. Il adressa à Beccaria sa Relation de la mort du chevalier de la Barre (1764), ainsi que son Commentaire sur le livre des délits et des peines (1766). Dans l’article Délits locaux (des) (1767) du Dictionnaire philosophique on peut également retrouver l’influence des idées de Beccaria. Voltaire retient de Beccaria la thèse selon laquelle le crime est «un acte qui offense la société» et non pas Dieu ou la religion, parce que le crime n’est pas aussi un péché, et «cette vérité doit être la base de tous les codes criminels». On verra que Voltaire se sert de la nouvelle philosophie pénale de Beccaria pour produire une conception de la loi comme relation d’intérêt entre l’Etat et les sujets. Une relation qui, en avance sur la conception kantienne de l’Etat de droit, est fondée sur l’utilité réciproque qui lie l’Etat et les citoyens et qui se passe de toute fondation métaphysique : les croyances religieuses et les questions inhérentes les vérités de la foi ne doivent pas influencer les décisions politiques en matière législative et criminelle. Une idée de la justice où il n’y a plus d’espace pour la peine capitale (sauf en cas extrêmes), ni pour l’utilisation (c’est à dire l’abus) de la torture judiciaire ou «question», selon le terme que l’Ordonnance criminelle de Colbert emploie.

Des délits et des peines. Beccaria et Voltaire entre politiques de réforme et théorie moderne de l'Etat

LANZILLO, MARIA LAURA
2012

Abstract

Le siècle des Lumières se situe au centre d’un long processus de transformation du système judiciaire et de la pensée juridique françaises, qui va de la fin du XVIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault indique comme bornes marquantes de ce processus les années 1670 (date de la promulgation de l’Ordonnance royale régissant la justice d’Ancien Régime en France) et 1838 (date de l’ouverture de la première prison “moderne” en France, la prison de la Roquette à Paris). La pensée et l’engagement de Voltaire se situent au milieu de cette période : à partir de la défense des Calas, qui date du début des années 1760, Voltaire engagea une importante bataille philosophique et politique visant la reforme de la justice de l’Etat. En particulier, dans ma proposition, j’analyserai l’influence exercée par l’œuvre de Cesare Beccaria, Dei delitti e delle pene, sur la pensée de Voltaire. Voltaire fut l’un des principaux artisans du succès et de la diffusion de l’œuvre de Beccaria en France et en Europe. Il adressa à Beccaria sa Relation de la mort du chevalier de la Barre (1764), ainsi que son Commentaire sur le livre des délits et des peines (1766). Dans l’article Délits locaux (des) (1767) du Dictionnaire philosophique on peut également retrouver l’influence des idées de Beccaria. Voltaire retient de Beccaria la thèse selon laquelle le crime est «un acte qui offense la société» et non pas Dieu ou la religion, parce que le crime n’est pas aussi un péché, et «cette vérité doit être la base de tous les codes criminels». On verra que Voltaire se sert de la nouvelle philosophie pénale de Beccaria pour produire une conception de la loi comme relation d’intérêt entre l’Etat et les sujets. Une relation qui, en avance sur la conception kantienne de l’Etat de droit, est fondée sur l’utilité réciproque qui lie l’Etat et les citoyens et qui se passe de toute fondation métaphysique : les croyances religieuses et les questions inhérentes les vérités de la foi ne doivent pas influencer les décisions politiques en matière législative et criminelle. Une idée de la justice où il n’y a plus d’espace pour la peine capitale (sauf en cas extrêmes), ni pour l’utilisation (c’est à dire l’abus) de la torture judiciaire ou «question», selon le terme que l’Ordonnance criminelle de Colbert emploie.
2012
Lanzillo, M.L.
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